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Le punk d'Olten réinvente sa vie au Media Lab du MIT

TECHNOLOGIE Stefan Marti travaille sur la mini-caméra des journalistes de demain.

CAMBRIDGE

PIERRE RUETSCHI

«C'est le seul endroit où on me prend au sérieux avec un projet fou.» Stefan Marti, 34 ans, vient de passer son master au Media Lab du MIT et vise le doctorat. Et il entend bien réaliser un rêve qu'il dit avoir en lui depuis qu'il est enfant. Créer des hélicoptères miniaturisés, équipés d'une caméra et répondant aux ordres de la voix. Un outil destiné aux reporters télévision de demain, mais pas seulement. L'ex-punk et musicien d'Olten qui portait très haut sa crête d'Iroquois s'est refait une nouvelle vie au Media Lab (voir notre supplément Telecom 99). «En Suisse, je cherchais toujours à savoir de quoi sera fait l'avenir. Ici, je suis dans le futur et je contribue à le développer. Je peux influencer, dans la mesure de mes moyens, le monde tel qu'il sera dans dix ans», lâche Stefan Marti, radieux, converti au «positivisme» qui oxygène le laboratoire de Nicholas Negroponte.

Avec ou sans cravate

Marti a toujours aimé faire les choses un peu autrement. Ainsi dans la très conservatrice Olten, il a créé le groupe punk Les Miscast avec deux copains empruntant le look destroy. «Par réaction. Une façon de tester les autres», dit-il. Le dimanche, il allait à l'église coiffer de sa crête. Après la matu, il change de coupe, passe à la techno et fait huit ans de psychologie à l'Université de Berne avec une spécialisation en télécoms. Ses talents d'ingénieur du son lui valent en parallèle de faire d'innombrables tournées de concerts. Quand il cherche un emploi dans son champ spécialisé des télécoms, il fait ses offres à Ubi-Lab, le laboratoire de

recherche de l'UBS. L'interview tourne au four. «J'avais pourtant mis une cravate. Ils n'ont pas voulu de moi. Il y a deux ans, c'est le directeur d'Ubi-Lab qui a demandé à me rendre visite ici au MIT. Les choses avaient changé. Parce que j'étais au MIT, on me prenait maintenant au sérieux.»

Stefan Marti venait d'être engagé sur une base de 70 candidatures comme réalisateur vidéo à la TV alémanique lorsqu'il se décide de tenter sa chance au Media Lab. «Je cherchais un vrai challenge. Quand j'ai entendu parler du Media Lab, j'ai compris ce que je voulais.» Sa candidature sera acceptée au deuxième essai après qu'ils se soit investi dans une série d'interviews sur place. Pour l'ex-punk, l'ingénieur du son, le psychologue et réalisateur TV qui menait ses innombrables activités de la maison de ses parents, la coupure est radicale. «J'ai débarqué ici en automne 1997 avec une bourse de 30 000 dollars pour l'écolage et 1500 dollars par mois pour vivre. Soudain tout ce qui se passait en Suisse ne comptait plus.»

Messager actif

Stefan Marti recoiffé aujourd'hui d'une queue de cheval, se dit parfaitement intégré à la culture du laboratoire. Son bureau est peuplé de gadgets électroniques qui lui ont servi à faire son travail de diplôme. Le téléphone sonne. C'est son agent, informatique bien sûr, qui l'appelle. Ce dernier a remarqué qu'il n'avait pas relevé ses e-mails depuis un certain temps et jugé qu'au moins un des derniers messages entrants était assez important pour déranger Stefan et lui lire la missive par téléphone. Ce «messager actif» est le résultat de son travail de diplôme. En fonction de divers critères élaborés, l'agent établit des priorités à la distribution. S'il détecte un message de «Dupont» qui, vérification faite dans l'agenda électronique, a rendez-vous avec Stefan dans une heure, il lui accordera une haute priorité et tentera de le joindre par le moyen le plus efficace selon l'emploi du temps de Stefan: téléphone au bureau, à la maison, pager, téléphone cellulaire... «Cette technologie est déjà très avancée dans l'industrie. Elle sera disponible à large échelle dans un peu plus d'un an», explique le Suisse.

Armée intéressée

Avec sa caméra (ou paparazzi télévision mobile robot), il scrute des horizons plus lointains. Le concept: une caméra montée sur un mini-hélicoptère à quatre rotors de moins de trente centimètres de diamètre répondant aux ordres de la voix. Un journaliste peut demander à la caméra de se positionner à deux mètres du visage d'un interviewé alors que celui-ci avance dans la rue. Plusieurs caméras peuvent être positionnées ainsi par commande vocale. Un système qui pourrait aussi servir à couvrir des concerts, des meetings d'athlétisme ou d'autres manifestations. La plus grande difficulté est de stabiliser un aussi petit hélicoptère. Un chercheur de l'armée américaine au MIT est intéressé par un même projet. «Ce qui me pose un problème éthique. Personnellement, je crée un outil dont le développement est basé sur le respect de la personne. Si la caméra est jugée inopportune, chacun doit pouvoir la chasser. L'armée est intéressée à l'utiliser pour le combat de rue, pour pénétrer dans des maisons...»

Stefan, selon la bonne méthode du Media lab, ne se contente pas d'assembler les pièces du puzzle technologique, il l'intègre dans le contexte social. «On ne pratique pas la politique des tiroirs.» Avant même que le premier prototype soit construit, Marti prévoit des airs bags pour éviter que les minicaméras fassent des dégâts si elles devaient s'écraser. Sa caméra doit acquérir une «conscience éthique. je veux lui inculquer les valeurs morales pluriculturelles».


 
 

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